Le terme sabardésigne à la fois les danses, les fêtes traditionnelles dans lesquelles elles sont pratiquées et les percussions qui les accompagnent. Originaires du Sénégal, les danses sabar sont différentes en fonction de chaque région et ethnie (wolof, lébou et sérère notamment), leur point commun étant leur fort dynamisme et leur rythmicité incomparable.
Au Sénégal le sabar rythme la vie quotidienne et accompagne les célébrations telles que les naissances, les baptêmes, les mariages, les cérémonies de circoncision, le jeu du faux-lion (simb), la lutte traditionnelle sénégalaise (lamb) et les rituels thérapeutiques (ndëpp) propres aux lébous. Des rassemblements festifs pour danser le sabar dans les quartiers sont également organisées régulièrement par les femmes. Si l’événement se déroule de jour il s’appelle sabar, le soir il se nomme tannebeer.
A la différence de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest qui utilisent le djembé, le Sénégal a pour instrument de percussion principal le sabar.
L’instrument sabar est une percussion constituée d’un fût (dimb), souvent en poirier du cayor, recouvert d’une peau de chèvre, tendue par des cordes et 7 chevilles de bois (pecs). Il se joue avec une main et une baguette (galagn) en tamarin. Pour constituer un ensemble musical il faut 7 instruments sabar différents, chacun ayant une forme, un son et un rythme distinct, et tous se complétant pour former le rythme sabar. Lors d’un rassemblement de danse on peut compter jusqu’à une vingtaine de tambours. On trouve ainsi :
le nder, instrument le plus haut qui dirige le sabar
le thiole, fermé à la base, qui possède un son plus grave et répond au soliste
le mbeng mbeng, qui joue l’accompagnement, base du rythme
Nder, Thiole et Mbeng mbeng
le balla, variante du mbeng mbeng à la forme plus haute
le tungoné, variante moins haute et plus aigue
le talnbat, à la peau moins tirée
le gorong mbabass, que l’on peut aussi tendre plus et qui devient alors le gorong yegel, pouvant remplacer le nder.
On trouve aussi le tama, tambour d’aisselles joué avec une baguette incurvée et dont le son varie en fonction de la pression exercée sur les cordes tendues tout autour. Il est joué notamment par les walo-walo (région de Richard Toll).
Le xin, ressemblant à un sabar court dont le cylindre en bois aurait été coupé, donc plus léger et transportable, est recouvert d’une peau très distendue. D’où un son avec plusieurs harmoniques aux sonorités changeantes. Il est apparu avant le sabar. Avec le tama, il accompagnait également le taxoran, chant et danse des récoltes.
Autrefois le xin, puis le sabar, étaient joués par les griots, garants du patrimoine musical, qui accompagnaient les rois.
Aujourd’hui le lamb, rythme qui accompagnait à l’origine le départ du roi en guerre, continue d’être joué lors des cérémonies de lutte traditionnelle wolof (lamb ji). Sa base est jouée par le sabar le plus grave, le lamb ou thiole, accompagné par d’autres sabars et par des femmes griotes solistes et des chœurs. Chaque lutteur possède sa propre phrase rythmique (bak), scandée par les joueurs de sabar dès qu’il entre en scène, et exécute une danse sur ce rythme avec son équipe.
Hormis la danse des lutteurs, le sabar est avant tout l’expression de l’identité féminine au Sénégal.
Ce sont les femmes qui organisent les sabar ou tannebeer, grands évènements festifs dans lesquels tous les âges et toutes les classes sociales sont confondus. Elles font appel aux hommes en tant que percussionnistes pour accompagner leurs danses. Dans le cercle de danse c’est la femme qui improvise et le percussionniste soliste la suit en marquant ses pas. Par sa danse la femme impose son style et marque sa personnalité. Autrefois les femmes dansaient le sabar vêtues de trois pagnes, portés les uns sur les autres, pour ne pas dévoiler leurs jambes. Cette tradition s’est perdue.
Actuellement on assiste à la multiplication des ballets folkloriques qui naissent et se développent dans les quartiers, avec un phénomène de concurrence grandissant qui pousse les jeunes danseuses, et plus récemment danseurs, à se surpasser. Le sabar devient ainsi de plus en plus acrobatique. Le tempo s’accélère nettement, entraînant la disparition de certaines danses tandis que de nouvelles apparaissent.
A la différence d’autres danses africaines, le sabar est une danse « aérienne », caractérisée par de nombreux sauts, jeux de jambes et tours, exécutés avec un fort dynamisme. Le sabar se danse surtout en solo. C’est un langage à part entière qui laisse une grande place à l’improvisation et à la créativité.
On distingue principalement comme faisant partie des danses sabar :
les danses lébou (bara mbaye, yaba, gumbe, ndaorabbin), dansées à l’origine par les femmes et les hommes lors du retour de la pêche, dans les régions de Yoff, Ngor, Ouakam, Tenguedj et Bargny (côte de Dakar et Rufisque)
les danses walo-walo (dagagn) dans la région de Richard Toll
les danses ndar-ndar dans la région de St Louis (farwoudiar, thiebujen) et Dakar (farwoudiar, thiebujen, mbabass)
les danses djambour-njambour (niari gorong, ndagarwalé) dans la région de Louga
les danses saloum-saloum (kaolack, fass, ndagandiaye) dans la région de Kaolack
les danses siné-siné (pitam) dansées par les sérères dans la région de Fatick
les danses baol-baol (dakassé) dans la région de Touba et Djourbel
les danses laobés (lembel) du nom d’une communauté importante au Sénégal faisant partie de l’ethnie peul et présente également au Mali, en Mauritanie et en Guinée.
On trouve aussi au Sénégal les danses de l’ethnie toucouleur (wango, yela) dans les régions de Matam, Podor et du Fouta, et celles de l’ethnie diolla originaire de la Casamance (notamment bougarabou, l’indien, ekonkong, ballente), jouées avec d’autres types de percussions, différentes du sabar.
Le grand tambour major du Sénégal reste indéniablement Doudou N’diaye Rose. Chef-tambour des Ballets nationaux, il a créé la première école de percussion à Dakar et a formé pour la première fois un orchestre defemmes, « Les Rosettes ». Compositeur et chercheur, il a inventé sans cesse de nouveaux rythmes dont celui de l’hymne national du Sénégal.