LES DANSES CUBAINES : LA RUMBA
La rumba cubaine est un genre musical cubain né au 19ème siècle dans les quartiers populaires de La Havane et de Matanzas. Le terme rumba désigne les fêtes où l’on se rassemble pour chanter et danser au son des percussions. A ne pas confondre avec le terme, parfois orthographié « rhumba », employé aux Etats-Unis vers 1930 pour désigner le son ou le boléro dans les danses « de salon ».
Au départ la rumba cubaine est pratiquée spontanément dans les « solares », les arrières cours des quartiers de La Havane et de Matanzas. Elle est issue des rythmes et danses que les esclaves noirs pratiquaient dans leurs « barracones » (baraquements), dans les plantations des 17 et 18ème siècles. Perpétués après leur libération (ce n’est qu’en 1886 que fut entièrement supprimé l’esclavage à Cuba), ces rythmes et danses arrivés dans les villes se sont enrichis des rapprochements entre ethnies africaines, avec quelques éléments empruntés aux espagnols (influence du flamenco pour le chant). On constate notamment une forte influence congo (danses yuka et makuta).
Au début du 2Oème siècle se forment les Coros, représentant certains quartiers populaires, comme le Coro Timbre de oro, fondé en 1906 par Ignacio Pineiro. Dans les années 1920-1930, les Coros se transforment et se mettent en place des ensembles qu’on peut appeler des groupes de Guaguancó.
Il faut attendre les années 1940 pour que ces groupes se produisent dans des concerts, le premier étant le Conjunto de Clave y Guaguancó. A cette époque Chano Pozo se fait remarquer comme conguero (joueur de conga) virtuose puis recruté par les grands cabarets comme le Tropicana. En 1956 le premier disque de rumba est enregistré, par Alberto Zayas et son Grupo Folklórico.
Los Muñequitos de Matanzas (originellement Conjunto Guaguancó Matancero), deviendront sans doute le groupe de rumba le plus célèbre de Cuba.
Dans la période post-révolutionnaire, la création du Conjunto Folklorico Nacional de Cuba autour d’authentiques rumberos et rumberas, comme notamment Gregorio Hernandez dit « El Goyo », Mario Jauregui dit « Aspirina » ou Manuela Alonso, a permis de préserver l’authenticité de la rumba.
La rumba cubaine se jouait originellement avec deux cajones (tiroirs ou caisses des navires), des boîtes de cigares frappées à mains nues ou avec deux cuillères (remplacées ensuite par des palitos ou baguettes de bois frappées sur un gros bambou), et une paire de claves (deux morceaux de bois frappés l’un sur l’autre). Un acheré (maraca yoruba en bois) puis un chekeré (calebasse recouverte d’un filet de graines) s’y sont ajoutés par la suite, suivis des tumbadoras ou congas (tambours constitués au départ de barriques sans fonds sur lesquels sont tendues des peaux animales séchées).
La rumba est un moyen d’expression populaire, reflet du quotidien des anciens esclaves. Il existe plusieurs parties dans une rumba :
- la diana : introduction du chanteur soliste (ou gallo) en alternance avec le chœur. Elle donne la tonalité de la chanson.
- le thème de la chanson
- la décima : elle peut constituer la partie la plus longue de la chanson, dédiée à l’expression du soliste. Pendant tout le temps de la diana, du thème et de la décima la danse est absente.
- l’estribillo ou montuno : partie où s’expriment les danseurs, qui progresse jusqu’à sa conclusion par des chœurs de plus en plus courts et une accélération réelle du tempo.
A la fin du 19ème siècle la rumba cubaine possède des formes différentes selon les lieux. Populairement on dit que ce sont les rumbas del tiempo’España, les rumbas du temps de l’Espagne (comme la siguirya et la jiribilla au tempo très rapide). Peu à peu celles-ci disparaissent et trois styles persistent :
- le yambú : l’une des plus anciennes formes de la rumba et la plus lente. C’est l’expression d’un jeu de séduction dans le couple, mettant en valeur la femme.
- le guaguanco : plus rapide que le yambú, le guaguanco mime également un jeu de séduction entre le danseur et la danseuse, mais cette fois celle-ci tente d’éviter le geste du « vacunao » (vaccin) de son partenaire.
- la columbia : expression des travaux agraires et de la virilité. C’est originellement une danse d’hommes virtuose, au rythme rapide.
Ces trois formes musicales sont construites autour de la clave, base rythmique suivie par tous les autres musiciens. Le guaguanco est le style le plus populaire actuellement. On remarque que son tempo s’est accéléré avec le temps.
LES DANSES CUBAINES : LE SON
Issu du changui (musique des cumbanchas, ou fêtes paysannes), le son est un genre musical dansant né en 1879 à Guantanamo, région montagneuse orientale de Cuba. Introduit par Néné Manfugas, il devient populaire en 1882 au carnaval de Santiago de Cuba. Il est véritablement l’ancêtre de la salsa.
A l’origine la formation instrumentale est un trio : un tres (guitare à 3 cordes doubles), un bongo (ou tabureto) et un instrument de basse (la marimbula au début).
Dans les années 1920, le son se développe à La Havane et remplace peu à peu le danzon, autre genre musical. Les trios de son deviennent des sextet, comme le Sexteto Habanero, et le tempo s’accélère. Les instruments sont alors : un tres, une guitare, un instrument de basse, un bongo, des maracas et une clave.
En 1927 Ignacio Pineiro introduit pour la première fois dans le son la trompette comme instrument principal, et le Sexteto nacional devient le Septeto nacional. Le son gagne l’Espagne, puis la France et les Etats-Unis. En 1930 Arsenio Rodriguez métisse le son avec le guaguanco (une des formes de la rumba) et donne naissance au son montuno. Dans les années 1950 Benny Moré fait évoluer le son avec d’autres rythmes cubains. A Cuba, le son ne cesse d’évoluer et engendre de nombreux genres musicaux. Le mambo, le cha cha cha, le songo ou la timba sont en ce sens des descendants directs du son. A la fin des années 1960 le son constitue la base de ce que l’on nommera à New York dans les années 1970 la salsa.
Le son se danse « a contratiempo« , c’est à dire sur les pulsations « 8 » et « 4 ». C’est une danse élégante et raffinée au tempo plus lent que la salsa. De ce fait elle comporte plus de déplacements et des figures spécifiques comme les tornillos (figures où l’un des partenaires tourne autour de l’autre en équilibre) et les tumbaos (tombés ou glissades du danseur). Elle se danse tout en grâce et en finesse.
LES DANSES CUBAINES : DU CASINO A LA TIMBA
Le casino est un style de danse né dans les casinos à Cuba dans les années 1950, et plus spécifiquement au Casino Desportivo de la Habana, où l’on dansait déjà le son, le mambo, le cha cha cha, mais aussi le rock’n roll et d’autres danses venues de l’étranger. Il prend ses racines dans le son traditionnel cubain, issu des cultures africaine et hispanique, popularisé à la Havane dans les années 1920. On peut dire que c’est une nouvelle manière de le danser, enrichi d’autres influences, notamment du rock’n roll, du mambo et du cha cha cha.
Au cours des siècles les musiques et danses cubaines n’ont cessé d’évoluer et de se transformer : contradanza, danza, danzon, son, mambo, cha cha cha, casino… A partir de 1959, la révolution castriste engendre une migration massive de musiciens cubains aux Etats-Unis. Là se développent d’autres styles, comme la pachanga, qui fusionne par la suite avec le rythm and blues et devient le boogaloo.
Le mot « salsa », qui signifie « sauce » en espagnol (au sens figuré, charme, piquant), naît à New York dans les années 1970, pour indiquer une musique qui est un mélange et une évolution de différents styles rythmiques et formes musicales, provenant pour la plupart de Cuba. La salsa est principalement basée sur une fusion de son montuno, dérivé du son développé par Arsenio Rodriguez dans les années 1930, et de mambo, genre musical cubain amené par Perez Prado aux Etats-Unis dans les années 1950.
Le terme salsa devient populaire grâce notamment à la maison de disque Fania Records. En 1971 le concert de la Fania All Stars au Club Cheetah de New York est considéré comme le lieu de naissance de la salsa.
Entre les années 1970 et 1980 la salsa en tant que musique et danse se répand aux Etats-Unis puis dans le reste du monde. C’est l’époque de la salsa dura ou salsa clasica. Dans les années 1980 naît la salsa romantica, mélange de salsa dura et de ballades romantiques ou boléros.
Parallèlement le groupe de Juan Formell, Los Van Van, modernise le son montuno dans les années 1970, et le percussionniste Changuito crée le songo, dynamique rythmique plus syncopée qui donne naissance à un nouveau genre musical à la fin des années 1980 : la timba. Dans la timba la formation instrumentale est souvent modernisée (batterie, synthétiseur, guitare électrique…), les rythmes fortement complexes, les pauses orchestrées (ou bloques) nombreuses et les influences multiples ( funk, rythm and blues, jazz-rock…).
La salsa en tant que danse arrive en Europe dans les années 1990. Dans les années 2000 un nouveau style provenant des Etats-Unis apparaît. Il est appelé « porto » et le style déjà existant « cubaine » pour le distinguer. Si la salsa cubaine est la danse appelée casino par les cubains, la salsa dite « portoricaine » désigne la salsa dansée en ligne, qui est née aux Etats-Unis et a été importée en Europe. Dans la salsa cubaine ou casino, le couple se déplace en décrivant des cercles successifs, le cavalier et sa cavalière se déplaçant l’un autour de l’autre.
La formation typique de la salsa comprend une section rythmique : basse, piano et percussions (congas, bongos et timbales) ;
une section cuivres : trompettes, trombones ; parfois des flûtes et des violons ; et des voix : chant, chœurs. La cellule rythmique est marquée par la clave, instrument constitué de deux morceaux de bois cylindriques que l’on frappe ensemble. Celle-ci consiste en une mesure forte contenant 3 notes et une mesure faible contenant 2 notes.
La salsa se danse en 8 temps musicaux avec 6 temps dansés et 2 temps de pause. Les pas du cavalier et de la cavalière s’effectuent en miroir. La salsa cubaine se danse sur le temps « 1 ». Les pas se comptent ainsi : « 1,2,3,( ),5,6,7,( ) », les temps 4 et 8 n’étant pas prononcés car considérés comme temps de pause.
LE REGGAETON OU CUBATON
Véritable phénomène de société aujourd’hui à Cuba et dans toute l’Amérique latine, le reggaeton est un genre musical né dans les années 1990, mélange de musique latine et de musique issue des Caraïbes. Le terme reggaeton est utilisé pour la première fois par le producteur panaméen Michael Ellis à la fin des années 1980. Le son dérive du reggae, amené par les immigrés jamaïcains et chanté en espagnol à Panama, popularisé sous le nom de reggaeton à Porto Rico. Le reggaeton tire également ses éléments sonores du hip-hop et du dancehall jamaïcain.
Dans les années 1990, les portoricains réinterprètent le ragga puis le rap américain en espagnol, et créent leurs propres riddims (séquences musicales répétées, formant la base d’une chanson. Le terme riddim, déformation de l’anglais rhythm , »rythme », provient du patois jamaïcain) avec une plus grande influence du rap que du ragga.
Depuis le début des années 2000, la popularité du reggaetón ne cesse de croître. En 2003, El Chombo produit un des premiers succès internationaux du reggaetón : Papi chulo. En 2004, la chanson Oye mi canto de N.O.R.E. est diffusée pour la première fois sur MTV. Ce succès international va permettre à de nombreux chanteurs de se faire connaître dans l’ensemble de la communauté latino, tels Daddy Yankee et Don Omar. Après son explosion commerciale en 2004, le reggaeton se répand sur les continents sud-américain, nord-américain, européen et asiatique.
Comme la majorité des artistes du hip-hop, la plupart des artistes de reggaeton récitent leurs textes de rap plutôt que de les chanter. Les paroles sont souvent liées à la réalité de la rue, l’amour, le sexe, la politique, le racisme…
Composé en majorité d’artistes masculins à ses débuts, le reggaeton s’est développé avec la montée des femmes dans ce milieu : Ivy Queen, Mey Vidal, Adassa.
Certains chanteurs comme Daddy Yankee sont plus inspirés par le rap U.S. tandis que d’autres utilisent des musicalités traditionnelles des Caraïbes.
Actuellement les groupes Los 4, Yomil & El Dany ou encore Gente de Zona connaissent un succès grandissant et font danser tout Cuba ! Le reggaeton, appelé cubaton dans sa version cubaine, déloge presque la salsa!
Résolument jeune et festive, le reggaeton est une danse énergique, très rythmée, sensuelle et créative. C’est un mélange de ragga dancehall, de hip hop et de danses latines.